Chronologie: le voyage vers l'île d'Elbe.



Adolphe Thiers, Histoire du Consulat et de l'Empire, tome XVII, livre VIII, première abdication, avril 1814, p 831-835 (éd.1860)



Son voyage se fit d'abord lentement.
(...)
Jusqu'au milieu du Bourdonnais, Napoléon fut accueilli par les acclamations du peuple, qui tout en maudissant la conscription et les droits réunis voyait en lui le héros malheureux et le vaillant défenseur du sol national.
(...)
Bientôt le voyage devint plus pénible. Aux environs de Moulins les cris de "Vive l'Empereur" cessèrent et ceux de "Vive le Roi! Vivent les Bourbons!" se firent entendre. Entre Moulins et Lyon, le peuple ne montra que de la curiosité, sans y ajouter aucun témoignage significatif. A Lyon, Napoléon avait toujours compté beaucoup de partisans, sensibles à ce qu'il avait fait pour leur ville et pour leur industrie; néanmoins il y avait aussi une portion de la population qui professait des sentiments entièrement contraires. Afin d'éviter toute manifestation on traversa Lyon pendant la nuit. Pourtant quelques "Vive l'Empereur!" accueillirent le cortège impérial. Mais ce furent les derniers.
(...)
En avançant vers le Midi les cris de "Vive le Roi!" se multiplièrent, et bientôt s'ajoutèrent ceux-ci: "A bas le tyran! A mort le tyran!"
A Orange notamment, ces cris furent proférés avec violence.
A Avignon, la population ameutée demandait avec emportement qu'on lui livrât "le Corse" pour le mettre en pièces et le précipiter dans le Rhône.
(...)
On criait "Vivent les Alliés!" autour des voitures des commissaires.
Du reste, cette faveur pour l'étranger était heureuse en ce moment, car sans la popularité dont jouissaient les représentants des puissances, Napoléon égorgé eût devancé dans les eaux du Rhône l'infortuné maréchal Brune. Il fallut en effet tous les efforts des commissaires, des autorités, de la gendarmerie, pour empêcher un horrible forfait.
A Orgon, on annonçait un nombreux rassemblement de peuple, et des scènes de violences encore. (...) Les commissaires, chargés d'une immense responsabilité, ne virent d'autre moyen d'échapper au péril que de faire prendre à Napoléon un déguisement, et on l'obligea de revêtir un uniforme étranger, afin qu'il parût être un des officiers composant le cortège. (...) Lorsqu'on eut atteint la petite ville d'Orgon, le peuple armé d'une potence, se présenta en demandant le tyran, et se jeta sur la voiture impériale pour l'ouvrir de force. Elle ne contenait que le général Bertrand, qui peut-être eût payé de sa vie la fureur excitée contre son maître, si M de Schouvaloff se jetant à bas de sa voiture, et comme tous les Russes parlant très bien le français, n'eût cherché à réveiller chez ces furieux les sentiments que devait inspirer le vaincu, un prisonnier.
Pendant de temps les voitures échappèrent au péril.
Aux relais suivants les scènes violentes allèrent en diminuant , et elles cessèrent tout à fait en approchant de la mer.

Pendant ces cruelles épreuves, Napoléon immobile, silencieux,affectant le plus souvent le mépris, ne put cependant demeurer toujours insensible aux cris répétés de la haine publique, et une fois enfin, il fondit en larmes. Il se remit promptement, et tâcha de reprendre une hautaine impassibilité.





L'homme qui sauva Napoléon en Avignon le 25 Avril 1814


A 6 heures Bonaparte arriva avec deux voitures seulement, dans l'une desquelles étaient MM les commissaires qui l'accompagnaient; quatre officiers de sa maison suivaient dans l'autre voiture. M MONTAGNAT, capitaine de la garde urbaine, arrive avec un faible détachement de la même garde; pendant que l'on changeait de chevaux la voiture dans laquelle était Napoléon était déjà entourée et la foule qui l'environnait grossissait à chaque instant; des vociférations se faisaient entendre contre l'Empereur, lorsqu'un homme porta la main sur le bouton de la portière. Un valet assis sur le siège envoie la main à son sabre pour défendre son maître. Malheureux!! s'écrie MONTAGNAT, arrête et en même temps il écarta l'homme qui cherchait à ouvrir la portière. Bonaparte cria à son domestique de rester tranquille et fait remercier le capitaine. Ensuite ce dernier parvient avec sa troupe à dégager les voitures et ordonne au postillon de partir au grand galop. Un moment plus tard il n'aurait point été le maître d'écarter la foule. Deux pierres furent lancées contre la voiture où était Napoléon qui crie en partant à MONTAGNAT: bien obligé. Le général Bertrand qui était à côté de Napoléon resta impassible pendant cette scène. Les commissaires des puissances étrangères avaient voulu mettre pied à terre pour défendre le dépôt qui leur avait été confié. Le capitaine les engagea à ne point le faire"





© d'Hautpoul




Le récit emprunté au journal d'un anglais prisonnier de guerre en France, dont l'auteur est Thomas-Richard Unterwood, qui reçut les confidences de sir Neil Campbell, confirme le rôle déterminant joué par cette troupe avignonnaise, d'ordinaire peu belliqueuse, et surtout par son chef;


"Ce ne fut que par les soins de la garde nationale que les jours de Napoléon furent sauvés. Un de ses officiers harangua ces furieux avec beaucoup de fermeté et parvint à les calmer un peu. Dans l'intervalle, les chevaux furent attelés; la garde fit éloigner le peuple des roues etc etc



De l'itinéraire de NAPOLÉON, de Fontainebleau à l'île d'Elbe par le comte de Waldbourg-Truchsess commissaire du roi de Prusse 1815 - auberge de la Calade


"Je ne le reconnus pas d'abord, (Napoléon déguisé se fait passer pour le colonel Campbell) et je m'approchai de lui. Il se leva en sursaut en entendant quelqu'un marcher, et me laissa voir son visage arrosé de larmes. il me fit signe de ne rien dire, me fit asseoir prés de lui, et tout le temps que l’hôtesse fut dans la chambre, il ne me parla que de choses indifférentes. Mais lorsqu'elle sortit, il reprit sa première positon. Je jugeai convenable de le laisser seul; il nous fit cependant prier de passer de temps en temps dans sa chambre pour ne pas faire soupçonner sa présence ......
Après dîner nous le laissâmes à ses réflexions, et comme , de temps en temps, nous entrions dans sa chambre, d’après le désir qu'il en avait témoigné, nous le trouvions toujours en pleurs ....




© d'Hautpoul



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