Chronologie: 1840, l'exhumation de Napoléon.







Sainte-Hélène, jeudi 15 octobre 1840.


Le récit d'André Castelot: Histoire de Napoléon Bonaparte - volume 6: Sainte-Hélène - p 334 - 336.


Le soir du mercredi 14 octobre, la mission quitte l'escadre. Il fait un temps merveilleux. Le prince de Joinville ne se joindra pas à ses compagnons. Il trouve plus digne d'attendre le cercueil de l'Empereur sur le quai, à la tête de son état-major.

Il est passé minuit, il pleut et un vent froid s'est levé lorsque la délégation entourée de torches et de lanternes, ayant à sa tête Philippe de Rohan-Chabot et le général Bertrand, atteint la vallée du Tombeau. Les travaux commencent et se prolongeront jusqu'à neuf et demie du matin. Enfin, la terre enlevée, les dalles retirées, le caveau ouvert, la bière apparaît dans son lit de pierre. Protégé par d'importants travaux de maçonnerie – les Anglais craignaient que l'on ne veuille venir enlever le cadavre de leur prisonnier – le lourd cercueil d'acajou apparaît intact et semble avoir été inhumé la veille. (…)
L'abbé Coquereau lit les prières pour la levée du corps, puis douze soldats, à l'aide de cordages dégagent la lourde bière et, la posant sur leurs épaules, vont la placer sous une tente. (…)

Le général lord Middlemore arrive au moment où l'on ouvre les cercueils en plomb, puis celui en bois. Enfin la dernière caisse – en fer blanc, qui avait été doublée intérieurement de satin blanc capitonné – apparaît. C'est le sarcophage qui contient les restes de l'Empereur. Lentement, avec d'infinies précautions, Leroux coupe la soudure. Les survivants de la captivité, ceux qui, prisonniers volontaires, étaient venus partager sur ce roc aride l'exil de leur maître, ne peuvent dissimuler leur affliction. La feuille de fer est enlevée… et tout d'abord, les assistants ne comprennent pas: le drap de satin blanc s'est détaché de l'intérieur du couvercle et recouvre le corps comme un linceul. En transparence, ils devinent le cadavre.
(…)
Protégé par son sépulcre, Napoléon a conservé dans la mort le visage émacié de Bonaparte. Comme à côté de lui Bertrand, Gourgaud et même Marchand paraissent âgés!
Il y a encore dans le cercueil un vase d'argent aux armes impériales, [de la vaisselle, des pièces]. On les y laisse. On imbibe le satin de créosote, puis on referme tous les cercueils.


Les récits des témoins







Gaspard Gourgaud

Le retour des Cendres de l'Empereur Napoléon, Arléa, 2003, p. 49.

Les ouvriers anglais enlevèrent successivement, en commençant par celle des pieds, les trois larges pierres qui couvraient la fosse.
On remarqua alors que les terres s'étaient affaissées d'environ un pied; on travailla avec ardeur à les enlever.
Au bout de quelques heures, on trouva un lit de ciment romain et des pierres dures, liées entre elles par des barres de fer scellées avec du plomb.
Enfin, on atteignit la large pierre anglaise qui fermait à elle seule le petit caveau où était déposé le cercueil.
On fit alors deux trous au bout de cette pierre au moyen de ciseaux, et on y plaça ensuite, au-desssus de la fosse, deux sortes de chèvres à haubans, l'une destinée à soulever la pierre d'un côté, et l'autre de l'autre.
Cette opération réussit parfaitement et nous vîmes le cercueil reposant en parfait état sur le fond du caveau.
On remarqua le brillant éclat des têtes de vis qui le fermaient; elles avaient été couvertes en argent. On voyait aussi, restés sous le cercueil, les bandes et cordages qui avaient servi à le descendre.
Le docteur fit faire un trou vers les pieds, avec un vilebrequin, et un vers la tête. Ensuite, des ouvriers, au moyen de mains de fer, soulevèrent le cercueil afin de passer en dessous des cordages.
Avec les chèvres, on éleva le cercueil jusqu'à la hauteur du mur ouest, et on le déposa à terre. Le docteur, à l'aide d'un énorme soufflet, souffla de l'air par les deux trous qui avaient été faits aux deux extrémités de la partie supérieure.
On décida qu'on allait ouvrir le cerceuil d'acajou. On chercha à tourner les vis avec des tournevis, mais elles étaient trop parfaitement oxydées et ce ne fut qu'au moyen de ciseaux qu'on leva la planche supérieure. On vit alors le cerceuil en plomb : il paraissait intact.
On le sortit de son enveloppe d'acajou et il fut ordonné de préparer le cercueil d'ébène pour recevoir le cerceuil de plomb.
Après beaucoup de temps et d'efforts, le couvercle d'ébène s'ouvrit et l'on plaça le cercueil de plomb dans celui, également en plomb, du cercueil d'ébène. On commença à couper le plomb sur toute la surface supérieure. Ce plomb enlevé, on trouva un nouveau cerceuil en acajou, comme le premier, très bien conservé.
Les vis qui retenaient la partie supérieure étaient oxydées, on fut obligé d'enlever avec un ciseau emporte-pièce tout le bois qui y adhérait. J'eus le bonheur d'en obtenir deux.
Le couvercle enlevé, on découvrit enfin le dernier cerceuil en fer blanc. On vit quelques taches de rouilles en surface, mais il paraissait cependant en très bon état.
Tout parut parfaitement conservé : on distingua très bien l'Empereur, vêtu en habit des chasseurs de la Garde, avec sa plaque de la Légion d'honneur, son chapeau en travers sur la partie supérieure des cuisses.
Le bout des pieds était blanc, et il paraît qu'ils étaient sortis du bout des bottes à l'écuyère, les coutures de la tige de celles-ci ayant été probablement pourries.
La cocarde en soie du chapeau était détruite.
Le docteur reconnut, entre les pieds, les vases d'argent qui y avaient été déposés.
Le docteur toucha les mains qui paraissaient fort bien, quoique un peu gonflées.
Il dit que le corps était passé à l'état stéarique; la main gauche était un peu plus haute que l'autre parce que le général Bertrand, lorsqu'on avait fermé le cercueil en 1821, l'en avait tirée un moment pour la baiser.
La tête, à l'exception du nez qui paraissait avoir été comprimé par le dessus du cercueil, était en parfait état, seulement un peu gonflée.
Mais cela n'altérait que très peu les traits, et il aurait suffi d'avoir vu une seule fois l'Empereur pour le reconnaître en ce moment.
Le docteur toucha légèrement les chairs de la tête et déclara qu'elles étaient momifiées.
Les coussins en soie et garnis de coton, dont on avait revêtu les parois intérieures du cercueil, avaient produit un singulier effet : il s'était formé, dans tous les vides, une mousse blanche qui laissait voir tout le corps comme à travers une mousseline légère.




"Les ouvriers anglais enlevèrent successivement, en commençant par celle des pieds, les trois larges pierres qui couvraient la fosse."(Gourgaud)

Mais il fallut également désolidariser les "pierres cramponnées" pour la suite des travaux.
On voit ici, les traces de ces "crampons" sur les pierres historiques restant à Sainte-Hélène.
(Les dalles, après avoir été oubliées de longues années dans un entrepôt du port de Cherbourg, sont visibles aux Invalides.)

Merci à d'Hautpoul.




Rémy Guillard

Procès-verbal dressé par le chirurgien-major, à bord de la Belle-Poule.

Le caveau ayant été ouvert, j'y suis descendu: au fond était le cercueil de l'Empereur; il reposait sur une large dalle, assise elle-même sur des montants en pierre. Les parois du caveau n'offraient pas la plus légère trace de dégradation, cà et là quelques traces d'humidité.
Les planches en acajou avaient encore leur couleur et leur dureté, excepté celles du fond, qui, garnies de velours, présentaient un peu d'altération dans les couches les plus superficielles.
La caisse extérieure était fermée par de longues vis; il a fallu les couper pour enlever le couvercle, dessous était une autre caisse en plomb, close de toutes parts, elle enveloppait une autre caisse en acajou parfaitement intact; venait enfin une quatrième caisse en fer-blanc dont le couvercle était soudé sur les parois et les repliait en-dedans, la soudure a été coupée lentement et le couvercle enlevé avec précaution.
Quant aux vêtements, ils se présentaient avec leurs couleurs, ainsi on reconnaissait parfaitement l'uniforme des chaseeurs à cheval de la vieille garde, au vert foncé de l'habit, au rouge vif des parements; le grand cordon de la légion d'honneur se dessinait sous le gilet; et la culotte blanche cachée en partie par le petit chapeau qui reposait sur les cuisses. Les épaulettes, la plaque et les deux décorations attachées sur la poitrine n'avaient plus leur brillant, elles étaient noircies; la couronne d'or de la croix d'officier de la légion d'honneur seule avait conservé son éclat.
Des vases d'argent apparaissaient entre les jambes, un d'eux surmonté d'un aigle, s'élevait entre les genoux, je le trouvai intact et fermé; comme il existait des adhérences assez fortes entre ces vases et les parties voisines qui les couvraient un peu, Monsieur le Commissaire du Roi n'a pas cru devoir les déplacer pour les examiner de plus près.
J'ai découvert le corps de Napoléon que j'ai reconnu aussitôt tant le corps était bien conservé, tant la tête avait la vérité dans son expression.
Quelque chose de blanc qui semblait s'être détaché de la garniture couvrait, comme une gaze légère, tout ce que renfermait le cercueil; le crâne et le front qui adhéraient fortement au satin en étaient surtout enduits, on en voyait peu sur le bas de la figure, sur les mains, sur les orteils.
Les membres supérieurs étaient allongés, l'avant-bras et la main gauche appuyant sur la cuisse correspondante, les membres inférieurs légèrement fléchis; la tête un peu élevée, reposant sur un coussin, le crâne volumineux, le front haut et large se présentaient couverts de téguments jaunâtres, durs et très adhérents; tel paraissait aussi le contour des orbites dont le bord supérieur était garni de sourcils. Sous les paupières se dessinaient les globes oculaires, qui avaient perdu peu de chose de leur volume et de leurs formes; ces paupières, complètement fermées, adhéraient aux parties sous-jacentes et se présentaient dures sous la pression des doigts, quelques cils se voyaient encore à leur bord libre; les os du nez et les téguments les qui couvrent étaient bien conservés, le lobes et les ailes seuls avaient souffert.
Les joues étaient bouffies; les téguments de cette partie de la face se faisaient remarquer par leur toucher doux, souple et de couleur blanche; ceux du menton étaient légèrement bleuâtres; cette teinte-là s'empruntait à la barbe qui semblait avoir poussé après la mort; quant au menton lui-même, il n'offrait point d'altération et conservait encore ce type propre à la figure de Napoléon; les lèvres amincies étaient écartées, trois dents incisives, extrêmement blanches, se voyaient sous la lèvre supérieure qui était un peu relevée à gauche.
Les mains ne laissaient rien à désirer; nulle part la plus légère altération. Si les articulations avaient perdu leurs mouvements, la peau semblait avoir conservé cette couleur primitive qui n'appartient qu'à la vie. Les doigts portaient des ongles longs, adhérents et très blancs. Les jambes étaient renfermées dans des bottes, mais, par suite de la rupture des fils, les quatre derniers orteils dépassaient de chaque côté. La peau de ces orteils était d'un blanc mat et garnie d'ongles.
La région antérieure du thorax était fortement déprimée dans la partie moyenne; les parois du ventre dures affaissées.
Les membres paraissaient avoir conservé leurs formes sous les vêtements qui les couvraient; j'ai pressé le bras gauche, il était dur et avait diminué de volume.



Philippe de Rohan-Chabot

Souvenirs inédits, les 5 cercueils de l'Empereur, France-Empire, 1985, p. 88.

Je suis rassuré: le cercueil est intact! De bois d'acajou, humide mais sain, il occupe le dessus d'une large plaque de silex qu'étayent huit montants de granit.
Des soldats scient le coffre en acajou épais de deux centimètres. Ils en retirent avec vénération le cercueil de plomb, et le déposent dans le sarcophage d'ébène.
Trois caisses restent à déclore; celle de plomb, une de bois, une de fer blanc. Je constate qu'elles n'ont pas souffert de l'enfouissement.
La teinte des vêtements n'est aucunement passée: l'uniforme des Chasseurs de la Garde et le Grand Cordon de la Légion d'Honneur sont également en parfait état.
Les pantalons blancs sont à moitié cachés par le petit chapeau qui repose sur la cuisse.
Les décorations et les épaulettes ont perdu leur couleur.
Les deux vases d'argent, réceptacles du coeur et de l'estomac, se trouvent entre les jambes de l'Empereur.
Le crâne est grand: le front haut et large. Les yeux ont perdu quelque peu de leur volume et de leur forme. Les paupières sont complètement fermées. il reste encore quelques cils.
Les os de l'arête du nez sont en bon état. Seule, la partie inférieure est détériorée.
Les joues sont rondes, douces et souples. Elles sont blanches. La barbe, qui a poussé depuis la mort, donne une teinte bleutée au menton.
Le menton, dont la forme n'est en aucune façon altérée, conserve au visage de Napoléon son type particulier.
Les lèvres sont écartées et découvrent trois dents du haut, très blanches.
Les mains, qu'il avait si belles de son vivant, sont dans un état de parfaite conservation.
La peau garde cette couleur particulière qui est propre seulement à la vie.
Les ongles sont longs et d'une extrême blancheur.
Les jambes sont prises dans des bottes; les coutures s'étant rompues, quatre des petits doigts de chaque pied saillent. Ils sont extrêmement blancs.



Collection privée La Bricole.


Louis Etienne Saint-Denis dit le Mameluck Ali

Journal inédit du Retour des Cendres, Tallandier, 2003, p. 177.

Le premier cercueil est intact mais humide et même mouillé à la partie inférieure. Quelques vis tournent, on fait sauter la tête de celles qui résistent.
Pour dégager le cercueil de plomb, on scie les deux côtés du premier cercueil. Le cercueil de plomb est intact.
Quand le couvercle est ôté, on aperçoit le troisième cercueil qui est en acajou comme le premier.
Le couvercle ôté, on voit le cercueil de fer blanc qui est oxydé presque en totalité, c'est-à-dire rouge de rouille.
L'habit, le gilet, la culotte, le grand cordon de la Légion d'honneur se dessinent bien.
On voit au gilet et à la culotte, au milieu, une raie verdâtre de cinq à six pouces de long sur un pouce de large. Cette place indique où fut pratiquée l'autopsie.
Les bottes qui sont dessolées laissent voir le bout des pieds et les bas de soie ont pris la couleur de peau.
On désirait avoir les deux vases qui renferment le coeur et l'estomac, mais comme des objets sont sous les jambes et qu'il faut pour les ôter déranger celles-ci qui devraient naturellement souffrir du déplacement, on aime mieux laisser les choses telles qu'elles sont.
La tête a encore quelque ressemblance avec le masque, particulièrement la partie inférieure de la figure.
Le nez est déformé: le cartilage paraît avoir été froissé par le couvercle.
Les mains sont un peu desséchées, cependant elles ont encore une belle forme: elles sont plus blanches que la figure, et la peau transparente; les ongles sont un peu allongés et un peu rosés.
Le corps est en général dans un état de conservation auquel on était loin de s'attendre.



Acte d'exhumation et de remise des restes de Napoléon

Philippe de Rohan-Chabot, Charles Corsan Alexander, confirmé par George Middlemore.

Nous avons fait enlever avec précaution le premier cercueil, dans lequel nous avons trouvé un cercueil de plomb en bon état
On a coupé alors et soulevé avec le plus grand soin la partie supérieure du cercueil de plomb, dans lequel on a trouvé un nouveau cercueil de bois lui-même en très-bon état, et répondant aux descriptions et aux souvenirs des personnes présentes qui avaient assisté à la sépulture. Le couvercle du troisième cercueil ayant été enlevé, il s'est présenté une garniture de fer-blanc légèrement oxydée, laquelle, ayant été coupée et retirée , a laissé voir un drap de satin blanc.



Emmanuel Pons de Las Cases

Extrait du journal, écrit à bord de la Belle Poule

Le chapeau, placé obliquement sur les cuisses, s'était affaissé, pourtant il était bien conservé. La forme de son habit de chasseur, ainsi que les boutons, se voyaient parfaitement.
La plaque et à côté d'elle les deux décorations, la Légion d'honneur et la Couronne de fer étaient sur la poitrine, la plaque presque noire, mais les décorations brillaient encore.
Les épaulettes petites, étaient à leur place, toutefois, portées un peu en avant: l'or en était très bruni. On distinguait très bien la couleur rouge du parement du bras gauche, le fond vert du reste de l'habit, une partie du Grand Cordon de la Légion d'honneur.
Entre elles (les jambes) étaient les deux vases d'argent qui, selon le procès-verbal, contenaient le coeur et l'estomac.
La main droite était serrée contre le corps et tout à fait cachée, la gauche parassait entièrement. Elle n'était pas en blanc mat comme les pieds, elle n'avait pas perdu la forme jolie qu'elle avait pendant la vie. Le docteur la toucha: elle était souple et céda sous son doigt.
Le visage avait conservé toute sa régularité; le front paraissait large et élevé. Les sourcils n'étaient pas entièrement tombés. Les paupières étaient fermées; une partie des cils y tenait encore.



Félix Coquereau

voyez le document


Les quatre cercueils qui renfermaient la précieuse dépouille avaient été successivement ouverts. Le satin qui garnissait à l'intérieur les parois du dernier était enlevé; nous imposâmes silence à nos émotions pour voir et bien voir.
Tout le corps paraissait couvert comme d'une mousse légère : on eut dit que nous l'apercevions a travers un nuage diaphane, c'était bien sa tête; un oreiller l'exhaussait un peu, son front large, les yeux dont les orbites se dessinaient sous les paupières, garnies encore de quelques cils; ses joues étaient bouffies, son nez seul avait souffert uniquement dans la partie inférieure. Sa bouche entrouverte laissait apercevoir trois dents d'une grande blancheur; sur son menton se distinguait parfaitement l'empreinte de la barbe; ses deux mains surtout paraissaient appartenir à quelqu'un de respirant encore, tant elles étaient vives de ton et de coloris; l'une d'elle, la main gauche, était un peu plus élevée que la droite, le grand Maréchal, au moment où le cercueil se fermait l'avait baisée et n'avait pu la replacer dans sa position première. Ses ongles avaient poussé après la mort, ils étaient longs et blancs; une de ses bottes s'était décousue en laissait dépasser quatre doigts de ses pieds d'un blanc mat, son habit était celui des Chasseurs de la Garde avec sa forme échancrée sur le devant, ses parements rouges, car les couleurs se reconnaissaient. Ses grosses épaulettes d'or étaient noircies ainsi que la grande plaque et quelques autres décorations qu'on distinguait sur sa poitrine. Le grand cordon de la Légion d'honneur tranchait de sa couleur rouge son gilet blanc; sur sa culotte de Casimir se trouvait son chapeau.
Entre ses jambes les deux vases contenant son coeur et ses entrailles; un aigle en argent le surmontait.
Comme un homme mort de la veille tel nous trouvâmes le corps de l'Empereur. Pendant vingt années qu'avait donc fait la mort... Pendant vingt années la mort avait respecté sa dépouille.

Merci à Jiem



"Souvenirs du voyage à Sainte-Hélène / par M. l'abbé F. Coquereau,... Éditeur : H.-L. Delloye (Paris) édition : 1841"

Quels sentiments se pressaient alors dans nos âmes ! Je n'essaierai pas de décrire la solennité de ce moment, quelque effet qu'on pût rendre, on n'y atteindrait pas. Je sais seulement que je tremblais, que toutes les physionomies étaient émues, l'attitude recueillie, qu'un seul bruit pouvait s'entendre : le battement du coeur. C'est qu'on ne trouble pas la mort dans son oeuvre, môme pour un acte pie, sans qu'elle ne pèse sur l'âme du poids de toutes ses terreurs : puis, qu'allions-nous trouver ? Qu'avait fait la mort pendant vingt années?
Pendant vingt années, la mort avait respecté Napoléon!
Le satin était enlevé, et Napoléon reposait doucement, habillé de son uniforme de chasseur de la garde, avec son ruban, sa grande plaque de la légion d'honneur, sa culotte de casimir blanc, ses bottes éperonnées et comme il dormait, sur ses genoux il avait posé son chapeau.
Je l'avoue, qui aurait pu oublier ce qui s'était passé, ce que nous faisions; qui n'aurait vu ni bière, ni sépulcre, et eût aperçu dans un certain jour à travers une gaze, et sur un lit, le corps de Napoléon, aurait certes pu croire qu'il reposait paisiblement. Telle fut notre première impression qui se traduisit par un mouvement indéfinissable. Nos regards interrogeaient tour à tour les nobles témoins de sa mort, et leurs yeux noyés de larmes nous disaient assez qu'ils avaient retrouvé leur maître. Nous imposâmes silence à nos émotions pour voir et bien voir.
Tout le corps paraissait couvert comme d'une mousse légère; on eût dit que nous l'apercevions à travers un nuage diaphane. C'était bien sa tête : un oreiller l'exhaussait un peu ; son large front, ses yeux dont les orbites se dessinaient sous les paupières, garnies encore de quelques cils; ses joues étaient bouffies, son nez seul avait souffert uniquement dans la partie inférieure, sa bouche entr'ouverte laissait apercevoir trois dents d'une grande blancheur; sur son menton se distinguait parfaitement l'empreinte de la barbe; ses deux mains surtout paraissaient appartenir à quelqu'un de respirant encore, tant elles étaient vives de ton et de coloris; l'une d'elles, la main gauche, était un peu plus élevée que la droite. J'en sus depuis la raison ; le grand maréchal, au moment où le cercueil se fermait, l'avait baisée et n'avait pu la replacer dans sa position première. Ses ongles avaient poussé après la mort; ils étaient longs et blancs. Une de ses bottes était décousue, et laissait passer quatre doigts de ses pieds d'un blanc mat; son habit, nous l'avons dit, était celui des chasseurs de la garde, avec sa forme échancrée sur le devant, ses parements rouges, car les couleurs se reconnaissaient. Ses grosses épaulettes d'or étaient noircies, ainsi que la grande plaque et quelques autres décorations qu'on distinguait sur sa poitrine. Le grand cordon de la Légion d'Honneur tranchait de sa couleur rouge son gilet blanc; sur sa culotte de Casimir se trouvait son petit chapeau, entre ses jambes, les deux vases contenant son coeur et ses entrailles : un aigle en argent les surmontait..."

Merci à Claude M







Le témoignage de Janisch


Le témoignage de Janisch est un document plutôt rare et je vous en donne l’extrait relatif à l’ouverture des cercueils de Napoléon.

EXTRAIT
Mercredi (1), 10 heures du soir
Le cercueil extérieur en acajou ayant été retiré, ceux de l’intérieur furent placés délicatement dans le cercueil de plomb contenu dans le sarcophage envoyé de France, et les couvercles de l’ancien cercueil de plomb et du deuxième en acajou furent découpés et ouverts. L’ancien cercueil de fer-blanc, qui était la dernière couverture qui enveloppait les restes mortels, devint ainsi exposé à la vue et, à une heure (2), Son Excellence (3) et son staff étant arrivés entretemps de Plantation House, celui-ci fut aussi découpé et un tissu satiné qui couvrait le corps apparut ; le docteur de la Belle Poule (4) le souleva doucement et ainsi découvrit le corps de l’Empereur. Il était en excellente condition et semblait avoir été presque miraculeusement préservé ; il y avait un aspect de moisissure sur tout le corps et l’habillement ; mais ses traits, presque inaltérés, furent immédiatement reconnus par ses anciens compagnons et partisans. Les mains, que le docteur Guillard avait touchées (et il fut la seule personne à avoir touché son corps), étaient parfaites et fermes « comme celles d’une momie » a-t’il dit, et l’apparence de tout le corps était celle de quelqu’un qu’on venait d’enterrer. Les yeux s’étaient affaissés et l’arête du nez un peu enfoncée, mais la partie inférieure du visage, remarquable par sa grande largeur et son ampleur, était parfaite. En fait, M. Marchand (5) fit la remarque que le corps était à présent plus ressemblant à ce que l’Empereur avait été, de son vivant, que du temps de son enterrement. Ses épaulettes, et les divers croix et ordres sur sa poitrine étaient ternis ; ses bottes étaient couvertes de moisissure qui, lorsque le docteur Guillard la frotta légèrement, disparut, et le cuir en-dessous était parfaitement noir et en bon état. Son chapeau à cornes reposait en travers de ses cuisses et le vase d’argent, avec son aigle impériale qui contenait son cœur, était debout dans le creux sous ses mollets mais avait pris une teinte bronze.
[…]
Le corps resta exposé à la vue entre 2 et 3 minutes […] et le couvercle de fer-blanc ainsi que ceux en plomb, ancien et nouveau, furent soigneusement soudés par M. Leroux, un plombier français qui y assista pour ce besoin (6).

NOTES
(1) Le 14 octobre 1840.
(2) Le matin du 15 octobre 1840.
(3) Le Gouverneur de Sainte-Hélène, le général Middlemore (et non Mittlemore comme l'écrit Gourgaud dans son récit), qui arriva dans l’île le 24 février 1836. Etant assez malade, il n’avait pu assister à toute la cérémonie d’exhumation qui dura des heures mais souhaita être prévenu pour l’ouverture du dernier cercueil. Il ne rejoint cependant pas les personnes sous la tente pour en être témoin, peut être par crainte sanitaire vu son état. Mais l’opération d’ouverture des cercueils fut ainsi interrompue pour donner le temps au Gouverneur et son staff d’arriver sur les lieux depuis Plantation House au milieu de la nuit. Middlemore quitta son poste en 1842 et fut remplacé par Trelawney, celui-là même qui fut l’interlocuteur principal des Français en 1840 au nom du gouverneur.
(4) Le docteur Guillard.
(5) Louis Marchand, l’ancien premier valet de l’Empereur à Sainte-Hélène et exécuteur testamentaire.
(6) A l’exhumation, il y avait aussi Andrew Darling qui avait dirigé les opérations de la mise en bière de Napoléon en 1821.

Merci à Albertuk



Lettre anglaise inédite relatant l'exhumation de l'Empereur à Sainte Hélène en octobre 1840.

Extrait de la lettre de M. Gidson au captain John Pillon


Notes:



Les témoins présents:



Les témoins officiels sont au nombre de 18 côté français et de 10 côté anglais. Donc 28 personnes autour d'un cercueil. Sans compter quelques personnes qui se seraient introduites sous la tente, comme notamment Coursot.
Parmi ces 28 personnes, 13 avaient connu ou vu Napoléon vivant: 10 Français et 3 Anglais.
Côté anglais, les assistants étaient des gens de la milice locale ou des notables. Et il y avait Andrew Darling qui avait dirigé les travaux de l'inhumation en 1821 et s'était rendu à Longwood de nombreuses fois du vivant de Napoléon.
Sur ces 13 témoins du vivant de Napoléon, 10 d'entre eux l'avait vu sur son lit mortuaire en 1821.

(Albertuk)


Pour les Français:
Las-Cases (fils),
Gourgaud,
Marchand,
Bertrand,
son fils Arthur,
Coquereau,
Chabot,
deux enfants de choeur,
Saint Denis,
Noverraz,
Archambauld,
Pierron,
Guyet commandant la "Favorite" ,
Charner commandant en second la "Belle-Poule",
Doret commandant l'Oreste,
docteur Guillard,
Leroux ouvrier plombier.

Côté anglais:
Alexander
Le gouverneur Middlemore + son fils
William Wilde,
Hamelin-Trelawnay,
colonel Hodson,
M H Seale,
Edward-Littlehales,
Darling qui avait surveillé les travaux de la sépulture de l'Empereur.
lieutenant Barnes, de l'état-major du gouverneur Middlemore

"Les personnes destinées à diriger et à exécuter les travaux ont été ensuite admises. Alors, en notre présence, et en celle des seules personnes ci-dessus désignées, il a été constaté que le tombeau était parfaitement intact et dans le plus grand silence, les premiers travaux ont commencé entre minuit et une heure du matin" (PH.de Rohan-Chabot )

(d'Hautpoul)


Parmi les témoins, 10 personnes avaient vu Napoléon sur son lit mortuaire en 1821, dont 3 anglais.

Ces 10 témoins de 1821 et 1840 furent:
- Bertrand et son fils Arthur
- les anciens serviteurs: Marchand, Saint-Denis, Pierron, Archambault, Noverraz
- Seale, chef de la milice en 1840, et beau-père de Janish à qui il raconta l'exhumation (et ce dernier en écrivit un mémoire)
- Andrew Darling, qui avait dirigé les travaux de funérailles, qui laissa un mémoire
- Hodson, surnommé "Hercule" par Napoléon

Tous les témoins qui avaient connu Napoleon l'ont formellement identifié à l'ouverture du dernier cercueil.

(Albertuk)


Pour infirmer certaines affirmations sur le sujet:

Les Anglais avaient interdit que l'on fasse des croquis encore moins des photos

Il n'y a pas eu de tel interdit ! Les raisons pour ne pas avoir pris de photo étaient
(1) le temps d'exposition qui devait être nécessaire, incompatible avec le souhait de conservation de la dépouille de Napoléon,
(2) l'appareil était abîmé selon un des témoins et donc aucune vue de l'île ne put être prise de toute façon,
(3) le mauvais temps,
(4) l'exhumation était prévue de se dérouler la nuit, les travaux ayant commencé à minuit.

Quant aux croquis, idem que
(1) pour le temps de pose et
(4) pour la nuit à priori.

Le seul désaccord fut concernant l'ouverture du cercueil. Un des membres du Conseil, Seale, s'y opposa. Les Français prétextèrent le besoin de vérification sanitaire avant l'embarquement à bord, mais cet argument était faible compte tenu que tout le monde s'accorda à dire que l'herméticité des cercueils était intacte et, surtout, les Français avait exhumé une autre dépouille la veille sans se soucier d'ouvrir le cercueil... !

Les Britanniques avaient donnés les autorisations de débarquer au compte goutte et aux personnes accréditées.

Ce fut une décision des Français d'établir la liste des personnes devant assister à l'ouverture des cercueils.

(Albertuk)


Plans de coupe du tombeau de Napoléon



Ce croquis vient du "journal de Las-Cases écrit à bord de la Belle-Poule" il figure aussi dans le récit de l'abbé Coquereau et il est affiché également, en plus grand, sur un mur du Bois-Preau (actuellement fermé)



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Merci à d'Hautpoul




Source: Revelation concerning Napoleon's escape from S Helena par PP Ebeyer-WCP-1947
Plans établis sur base des rapports de 1821 et de 1840.



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Merci à Luc Meaux



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