Chronologie: La cérémonie du Champ de Mai (1r juin 1815).
Le « Champ de Mai » a lieu le 1r juin, au Champ-de-Mars.
Georges Blond, Les Cent-Jours – p 242, 249 (extraits)
On en parlait depuis des semaines et davantage, en fait depuis le retour de Napoléon à Paris. Une machine énorme avait été construite pour la circonstance, l’architecte s’appelait Fontaine. On était le 1r juin, le soleil brillait dans le ciel bleu, pas de vent, la journée s’annonçait chaude.
L’ensemble réalisé par Fontaine était laid, compliqué, malcommode. Devant l’Ecole militaire et lui tournant le dos avait été construit une sorte de théâtre sur lequel on voyait un trône, fauteuil de pourpre avec un coussin pour les pieds. De chaque côté du trône, un peu en arrière, une tribune pour les grands personnages et invités de marque. En face, regardant l’Ecole, à environ cent pas, se dressait un amphithéâtre en gradins couvert d’une grande toile.
Au bas de cet amphithéâtre, en face du trône, un autel, entouré de sièges pour les prêtres et les musiciens.
L’amphithéâtre était ouvert à sa base pour que l’Empereur puisse, au moment de la distribution des aigles, quitter son trône et se diriger vers une plate-forme pyramidale à degrés, élevée sur le Champ-de-Mars, derrière l’amphithéâtre.
Dès 8 h, des invités munis de cartes d’invitation arrivèrent.
A 11 h, un coup de canon, qui parut très fort. C’était le premier d’une salve de cent coups, tirés par la batterie de la terrasse des Tuileries et répétés par celles de l’Ecole militaire, du pont d’Iéna, de Montmartre et du château de Vincennes.
Ce tonnerre voulait dire « l’Empereur quitte son palais ». Il recommença lorsque le cortège impérial s’engagea sur le pont d’Iéna.
Quatre-vingts pour cent au moins des Parisiens postés sur le passage du cortège et massés sur le Champ-de-Mars criaient vive l’Empereur avec conviction, de tout leur cœur.
La voiture de Napoléon contourna l’Ecole militaire et y entra par la cour intérieure. L’Empereur monta au premier étage et fut introduit dans l’enceinte. On entendait toujours crier vive l’Empereur, et aussi vive la France et vive la Nation ! Tous s’attendaient à voir Napoléon dans sa légendaire tenue de colonel des chasseurs de la Garde – habit vert, passepoil amarante, boutons d’or, culotte et gilet blancs – ou, à la rigueur, vu la circonstance, en colonel de la Garde nationale.
Il parut, et l’enthousiasme fut brisé net.
« Un costume de théâtre » devait écrire le Censeur. D’autres dirent « C’était Talma dans les Templiers » et même parlèrent de costumes « que portaient les chevaliers du Moyen Age dans les mélodrames joués sur les boulevards ».
Napoléon était coiffé d’une toque noire ornée de plumes blanches et d’un diamant. Sur la tunique rouge clair (on disait nacarat), il portait, attaché au cou, un manteau de même couleur doublé d’hermine et brodé d’or qui lui descendait jusqu’aux pieds ; culotte de satin blanc, bas de soie blancs, souliers « à rosettes ».
Ses frères, Lucien, Joseph et Jérôme, étaient entièrement vêtus de satin blanc, tuniques et courts manteaux, ceux-ci parsemés d’abeilles dorées, même coiffure que celle de l’Empereur.
L’évêque de Tours célébra la messe.
Ensuite lecture de l’Adresse des corps électoraux et réponse de l’Empereur.
Puis un Te Deum que bien peu entendirent parce que le canon tonnait encore.
La dernière partie du programme : la remise des aigles.
Il y avait à ce Champ de Mai 300 porte-aigle qui devaient tendre leur emblème à l’Empereur, et il le leur rendrait après avoir fait jurer à chacun de le conduire à la victoire ou de le défendre jusqu’à la mort. 300 fois ce geste et ce serment, jusqu’à quelle heure aurait duré ce rituel ?
Napoléon abrégea. Ayant ôté son manteau, il gagna la plate-forme pyramidale et il procéda à une remise collective des aigles.
S’adressant d’une voix forte à tous les porte-aigle placés sur les degrés de la pyramide, il leur fit prononcer le serment. Il y avait là les porte-aigle de la Garde impériale et aussi ceux de la Garde nationale de Paris. La masse des 150.000 soldats les entourait. Les « Nous le jurons ! » lancés par des voix mâles grondaient comme des salves humaines. Les cris de vive l’Empereur ne cessaient pas. « L’Empereur paraissait porté sur un pavois de drapeaux, au milieu d’un champ de sabres et de baïonnettes ». De l’avis général, cette partie de la cérémonie fut la plus réussie.