Les acteurs: Fouché.


Fouché, Joseph, duc d’Otrante (Le Pellerin, 21 mai 1759 – Trieste, 26 décembre 1820)



Joseph Fouché, duc d’Otrante. Célébré dans les manuels d’histoire en tant que policier de haut vol, champion du double jeu, tortueux génial. Les débuts de son ascension sont moins souvent rappelés. En 1814, Fouché, cinquante-cinq ans, a loin derrière lui une carrière de demi-prêtre, de profanateur et de sanglant bourreau.

De vingt à trente ans, confrère dans l’ordre des oratoriens, portant l’habit ecclésiastique et la tonsure mais n’ayant jamais prononcé de vœux ni pris les ordres majeurs : professeur pendant dix ans ; pâle et fermé, en habit noir, il inculque à des séminaristes pâles et vêtus de noir du latin, des mathématiques, de la physique. Puis, le coup de tonnerre de la Révolution : les oratoriens sont dispersés. Voilà Fouché président des « Amis de la Constitution ». A Nantes ; élu à la Convention, siégeant à la Montagne, votant la mort du Roi ; il se distingue comme l’un des champions de la déchristianisation, laïcisant jusqu’aux convois funèbres et participant, à Lyon, à une cérémonie sacrilège où l’on brûle l’Evangile, où l’on fait boire un âne dans un calice ; il se distingue mieux encore, toujours à Lyon, comme l’un des auteurs de la répression contre cette ville alors révoltée contre la Convention de Paris. Le 4 décembre 1793, soixante-dix-neuf jeunes gens sont tirés des prisons et liés deux par deux. Fouché ayant déclaré que la guillotine «travaille trop lentement », les condamnés sont conduits devant deux tranchées parallèles, creusées en hâte ; devant eux des canons chargés à mitraille. Feu à volonté et les corps tombent, on achève les blessés, on enterre. Mille six cents exécutions en quelques semaines. Les corps des nouvelles victimes sont jetés dans le Rhône. « Il faut, écrit Fouché, que ces cadavres offrent l’impression de l’épouvante et l’image de la toute-puissance du peuple sur les deux rives du fleuve, sous les yeux des lâches et féroces Anglais. » L’ancien oratorien emploie le langage officiel de l’époque, il se conformera toujours à cette règle. Le duc d’Otrante (fait duc en 1803) s’est longtemps efforcé de faire oublier son premier titre, qui était un surnom : le « Mitrailleur de Lyon ».

Arrêté en 1795, sous la Terreur blanche, il devient en juillet 1799 ministre de la Police du Directoire, voilà sa véritable vocation ; en peu de mois, un réseau d’agents et d’indicateurs s’étend sur toute la France et au-delà car la ferme des jeux rapporte à Fouché d’énormes ressources.
Ministre du Directoire et du Consulat de 1799 à 1802, ministre de l’Empire de 1804 à 1811, mais dès 1810 en lutte secrète contre l’Empereur, et cette lutte s’est mal terminée pour lui. Le 3 juin 1811, Napoléon lui a écrit la lettre la plus brève qu’il ait jamais adressée à aucun de ses ministres : « Monsieur le duc d’Otrante, vos services ne peuvent plus m’être agréables. Il est à propos que vous partiez sous ces vingt-quatre heures pour votre sénatorerie. »

En 1813, Napoléon, pour le tenir éloigné de Paris, l’a nommé gouverneur des Provinces illyriennes (petit Etat bariolé formé de morceaux du Frioul, de la Carinthie, de la Dalmatie et de Trieste), puis l’a chargé d’une mission auprès de Murat, roi de Naples. Sur la route de son retour, Fouché apprend que les troupes de l’Europe coalisée marchent sur Paris. Napoléon enfin vaincu ! Fouché se hâte dans l’intention d’offrir ses services à la monarchie. C’est trop tard. Quand il arrive à Paris, le nouveau gouvernement est au complet, sous la présidence de Talleyrand. Mettant toute fierté dans sa poche, Fouché va faire des courbettes chez Blacas et chez d’autres personnages bien en cour. Rien. Alors, renversons le Roi. Mais point au profit de Napoléon, qu’il faut d’abord éloigner.

Le 23 avril 1814, Fouché écrit à Napoléon à l’île d’Elbe. En une lettre, montrée d’abord à Talleyrand et au comte d’Artois, il engage l’Empereur à ne pas rester dans son île et à passer aux Etats-Unis ; ainsi il sera protégé à la fois contre les soupçons de l’Europe et contre ses propres regrets. En même temps, Fouché assure au comte d’Artois qu’à l’île d’Elbe, Napoléon serait pour l’Europe « ce que le Vésuve est à côté de Naples ».

Fouché approche plusieurs personnalités ; il songe à remplacer Louis XVIII par le Duc d’Orléans (Louis-Philippe d’Orléans, futur Louis-Philippe, roi des Français). Comme cela n'aboutit pas, il songe à Napoléon II. Mais cela non plus ne dépasse pas le stade des projets vaguement élaborés.

Quand Napoléon revient de l’île d’Elbe, il lui confie à nouveau la Police générale mais Fouché le trahit, espérant rester eu ministère après le retour du Roi.

En 1816, Fouché sera condamné à l’exil par la Chambre des députés et finira son existence en territoire autrichien, à Trieste.


Georges Blond, Les Cent-Jours – p 76
Dictionnaire du Consulat et de l’Empire, p 779













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