Napoléon et sa famille: L'Aiglon.

Napoléon II



Napoléon François Charles Joseph Bonaparte est né le 20 mars 1811 au palais des Tuileries, à Paris, et est mort le 22 juillet 1832 au palais de Schönbrunn, à Vienne.
- prince impérial,
- titré roi de Rome à sa naissance,
- puis prince de Parme,
- proclamé Napoléon II à la fin des Cent-Jours
- et enfin titré duc de Reichstadt par son grand-père l'empereur d'Autriche,

Il était le fils et l'héritier de Napoléon Ier, empereur des Français, et de sa seconde épouse, Marie-Louise d'Autriche.

Évincé par le Sénat en avril 1814 à la suite de la prise de Paris par les armées coalisées et l'abdication de son père, il fut pourtant reconnu empereur par les Assemblées, régnant sous le nom de Napoléon II, du 22 juin au 7 juillet 1815 (il est alors âgé de 4 ans) lors de la seconde abdication de Napoléon Ier en 1815.

Son surnom de l'Aiglon lui a été attribué à titre posthume et a été popularisé par la pièce de théâtre d'Edmond Rostand L'Aiglon, le rôle-titre étant créé le 15 mars 1900 par la tragédienne Sarah Bernhardt.




Extrait de Napoléon II, de Victor Hugo. (le poème en entier)

O revers ! ô leçon ! — Quand l'enfant de cet homme
Eut reçu pour hochet la couronne de Rome ;
Lorsqu'on l'eut revêtu d'un nom qui retentit ;
Lorsqu'on eut bien montré son front royal qui tremble
Au peuple émerveillé qu'on puisse tout ensemble
Etre si grand et si petit ;

Quand son père eut pour lui gagné bien des batailles ;
Lorsqu'il eut épaissi de vivantes murailles
Autour du nouveau-né riant sur son chevet ;
Quand ce grand ouvrier, qui savait comme on fonde,
Eut, à coups de cognée, à peu près fait le monde
Selon le songe qu'il rêvait ;

Quand tout fut préparé par les mains paternelles
Pour doter l'humble enfant de splendeurs éternelles ;
Lorsqu'on eut de sa vie assuré les relais ;
Quand eut enraciné bien avant dans les terres
Les pieds de marbre des palais ;

Lorsqu'on eut pour sa soif posé devant la France
Un vase tout rempli du vin de l'espérance, —
Avant qu'il eût goûté de ce poison doré,
Avant que sa lèvre il eût touché la coupe,
Un cosaque survint qui prit l'enfant en croupe
Et l'emporta tout effaré !







20 mars 1811, naissance de Napoléon, François, Joseph, Charles.


D’après Max Gallo, l’Empereur des rois, p.453-456


Le 19 mars vers 20 h, Mme de Montebello vient annoncer avec solennité que Marie-Louise a ses premières douleurs.

Napoléon ordonne aux hommes présents de revêtir leurs uniformes. Il faut que la naissance se déroule conformément à l’étiquette qu’il a prévue. Bientôt, les salons sont remplis par plus de deux cents personnes.

Il entre dans la chambre envahie par six médecins. Il prend le bras de Marie-Louise, la soutient, marche à petits pas avec elle. Il la sent se calmer. Il l’aide à se coucher, à s’endormir.
Lui soupe, prend un bain, dicte toute la nuit.

A 8 h, le docteur Dubois se précipite, éperdu, pâle. L’enfant se présente mal. On a envoyé chercher Corvisart. Dubois murmure qu’il faudrait utiliser les fers.
- Supposez que vous n’accouchez pas l’impératrice, mais une bourgeoise de la rue Saint-Denis.
Le médecin hésite, puis murmure qu’il faudra peut-être choisir l’un ou l’autre.
- La mère, c’est son droit, répond Napoléon.

Il saisit la main de Marie-Louise. Elle crie, se tord. Il voit approcher les docteurs Corvisart, Yvan, Bourdier. Elle hurle pendant que Dubois prépare les fers.
Napoléon ne peut rester spectateur impuissant. Il s’enferme dans son cabinet de toilette. Il entend les hurlements de Marie-Louise.
La porte s’ouvre. Il essaie de lire sur le visage du docteur Yvan. Le médecin murmure que l’impératrice est délivrée.
Il voit sur le tapis de la chambre le corps de l’enfant qui gît, inerte, mort.
Il saisit la main de Marie-Louise, l’embrasse. Il ne regarde plus, c’est ainsi.
Il reste immobile en caressant le visage de Marie-Louise. Il a les yeux fixes.
Tout à coup, un vagissement.
Il se redresse.
L’enfant est enveloppé de linges chauds sur les genoux de Mme de Montesquiou qui continue de le frictionner, puis lui introduit dans la bouche quelques gouttes d’eau de vie.
L’enfant crie à nouveau.
Napoléon le prend, le soulève. C’est comme le soleil qui surgit un matin de victoire.
Il a un fils.
Il est 9 h du matin, ce mercredi 20 mars 1811.



D’après André Castelot, Le commencement de la fin, p.37-42



Il y a réception aux Tuileries. On attend l’arrivée de l’Impératrice, mais vers 7 h, on voit Mme de Montebello qui se rend chez l’Empereur.
C’est pour ce soir !
(…)
On attend.
De temps en temps, on perçoit quelques cris poussés par l’Impératrice.
A dix heures du soir apparaît Corvisart. Selon lui, rien ne presse, et, désinvolte, il va se coucher. Les douleurs restent assez vives jusqu’à deux heures du matin, puis se ralentissent. L’Empereur est cent fois plus agité que la veille d’une bataille. Dubois se tient sagement assis devant une petite table où il a rangé minutieusement ses instruments. – ce qui n’est d’ailleurs pas fait pour tranquilliser la malheureuse Marie-Louise.
(…)
Dubois n’est pas satisfait. Il a l’habitude d’être secondé par Mme Lachapelle, mais la présence qu’une sage-femme au chevet de l’impératrice eût été contraire à l’étiquette.
(…)
A cinq heures du matin, Marie-Louise s’endort.
A six, Corvisart, qui est le seul à avoir pris du repos établit un rapport.
(…)
Dubois apparaît, pâle chez l’Empereur.
- Et bien ? Est-ce qu’elle est morte ? Si elle est morte, on l’enterrera.
(Napoléon en fait confidence à Gourgaud à Sainte-Hélène et explique : « Comme je suis habitué aux grands événements, ce n’est pas dans le moment où on me les annonce qu’ils me font de l’effet. Ce n’est qu’ensuite. »)
- Non, Sire, mais les eaux ont crevé, ce qui n’arrive pas un cas sur mille.
- Eh ! Comment allez-vous faire ?
- Je serai obligé de me servir des ferrements.
- Ah ! Mon Dieu, est-ce qu’il y aura danger ?
- Il faudra ménager l’un ou l’autre, la mère ou l’enfant.
- La mère, c’est son droit. Avec la mère j’aurai un autre enfant. La nature n’a pas deux lois. Faites comme s’il s’agissait d’une petite bourgeoise de la rue Saint-Denis. Conduisez-vous comme si vous attendiez le fils d’un savetier.
L’enfant se présentait mal, par la hanche, semblait-il, et les contractions de l’utérus, en dépit de leur cadence précipitée, se montraient inefficaces.
Les cris de Marie-Louise, lorsqu’elle vit revenir Dubois et l’Empereur redoublèrent. Ce fut encore bien pis lorsqu’on lui annonça qu’elle devait changer de lit pour utiliser les fers.
- On veut me sacrifier à mon fils
Dubois, absolument terrorisé avait perdu son sang-froid et refusait d’opérer en l’absence de Corvisart.
Enfin Corvisart apparut.
Enfin, à 8h20, après 26 minutes de travail, l’enfant naquit par les pieds, une habile prise de forceps dégagea la tête.
Napoléon pénètre dans la chambre, jette à peine un regard sur le nouveau-né qui gît sur le tapis – il le croit mort nous dit un témoin – et ne s’occupe de l’impératrice qu’il serre dans ses bras.
Le premier médecin trempe enfin le bébé dans une baignoire d’eau tiède, lui frappe légèrement du plat de la main sur tout le corps, lui souffle quelques gouttes d’eau de vie dans la bouche, l’enveloppe de serviettes chaudes, et au bout de sept longues minutes, le nouveau-né pousse son premier cri.




Artiste: Canova Antonio, Italie 1757-1822
Sujet: Sculpture du ROI de ROME premier fils de Napoléon Bonaparte
Description: Marbre de Carrare, 73cm x 48cm x 25cm aprox: 150kg
Un jeune enfant ( quelque mois) grandeur nature couché sur un coussin étoilé.
Provenance: Commandé par Napoléon Bonaparte à Antonio Canova,
à Murat, de la succession Murat à Léopold III Roi des Belges,
au Chevalier Edmond Luc Dumoulin Le Keuche 1906-1970)
Source





Le Roi de Rome.


Napoléon donna à son fils le titre de roi de Rome.
On écrit Roi de Rome au lieu de roi de Rome quand on veut souligner qu'il s'agit d'une appellation et non d'une royauté réelle.
Le sénatus-consulte organique du 17 février 1810 prévoyait en son article 7 : « Le prince impérial [c'est-à-dire le prince héritier] porte le titre et reçoit les honneurs de roi de Rome ». Ce titre n'avait pas été prévu par la constitution de l'an XII.
Ce titre rappelle celui de roi des Romains porté par les héritiers désignés du Saint-Empire romain germanique.
Ce titre était aussi destiné à rappeler au pape Pie VII, que depuis la confiscation de ses États, Rome n'était plus que le chef-lieu d'un département français appelé département du Tibre puis département de Rome, l'un des 130 départements que comportait alors (1811) l'Empire français.
On voulut un palais pour le roi de Rome, le décret du 16 février 1811 prévoyant : « Il est fait un fonds spécial de trente millions pour la construction de palais de Rome, au dessus [donc sur la rive droite] du pont d'Iéna, et l'acquisition des terrains qui y sont nécessaire. » Mais ce palais ne sortit jamais de terre...
On songea à faire couronner le roi de Rome à Paris par le pape, et l'on parla de son deuxième anniversaire qui tombait le 20 mars 1813 mais il fallut y renoncer à cause de l'aggravation du conflit avec ce dernier.
Antoine Dubois (1756-1837), le chirurgien qui mit au monde le roi de Rome reçut une dotation de 100000 francs, puis la Légion d'honneur, et devint enfin le baron Dubois par lettres patentes du 23 avril 1812 avec les armes parlantes coupé au I, parti de sinople à une fleur de lotus et des barons officiers de la maison de l'empereur; au II, d'or à la louve au naturel allaitant un enfant de carnation, le tout soutenu d'une terrasse de sinople. Le signe intérieur d'un baron officier de la maison de l'empereur était de gueules au portique ouvert à deux colonnes surmontées d'un fronton d'argent, accompagné des lettres initiales D. A. (Domus Altissima) du même. Le lotus rappelait que Dubois fut de l'expédition d'Égypte. La louve allaitante était le symbole de Rome depuis l'Antiquité, mais ici le roi de Rome remplace les célèbres nourrissons Romulus et Remus.
Merci à Fulub






Thiers, Histoire du Consulat et de l'Empire - volume 13, p 6-7


Mars 1811

D'après le décret qui avait qualifié Rome la seconde ville de l'Empire, et à l'imitation des anciens usages germaniques, où le prince destiné à succéder au trône s'appelait roi des Romains avant de recevoir le titre d'empereur, le prince nouveau-né fut appelé Roi de Rome, et son baptême, qui devait s'accomplir avec autant de pompe que le sacre, fut fixé au mois de juin. Pour le moment, on s'en tint à la cérémonie chrétienne de l'ondoiement, et on se contenta d'annoncer cet heureux événement aux divers corps de l'État, aux départements et à toutes les Cours de l'Europe.
Singulière dérision de la fortune! Cet héritier tant désiré, tant fêté, destiné à perpétuer l'Empire, arrivait au moment où cet empire colossal, sourdement miné de toutes parts, approchait du terme de sa durée! Peu d'esprits, à la vérité, savaient apercevoir les causes profondément cachées de sa ruine prochaine, mais de secrètes appréhensions avaient saisi les masses, et le sentiment de la sécurité avait disparu chez elles, bien que celui de la soumission subsistât tout entier. Le bruit d'une vaste guerre au Nord, guerre que tout le monde redoutait instinctivement, surtout celle d'Espagne n'étant pas finie, s'était répandu généralement et avait causé une inquiétude universelle. La conscription, suite a de cette nouvelle guerre, s'exerçait avec la plus extrême rigueur; de plus, une crise violente désolait en cet instant le commerce et l'industrie; enfin, la querelle religieuse semblait s'envenimer et faire craindre un nouveau schisme. Tels étaient les divers motifs qui venaient de troubler assez gravement la joie inspirée par la naissance du Roi de Rome.






Dimanche 9 juin 1811: le baptême.


D'après Max Gallo - L'empereur des rois - p.467


A 17h, l'Empereur se rend à Notre-Dame avec l'Impératrice dans le carrosse du Sacre, tandis que le roi de Rome y est conduit dans un autre carrosse, sur les genoux de Mme de Montesquiou.
La foule est énorme et silencieuse.
Napoléon est soucieux.
Personne n'applaudit.
Quand Napoléon prend l'enfant et l'élève à bout de bras, les acclamations déferlent et Napoléon est joyeux quelques instants.

Sur le chemin du retour, dans le carrosse qui les conduit à l'Hôtel de Ville, Napoléon retrouve son inquiétude.
Tout à coup un choc. Les traits viennent de casser.
Les écuyers se précipitent pour les réparer.
Napoléon n'aime pas cet incident, ce présage.



Merci à Jérôme Croyet


D'après André Castelot, le commencement de la fin - p.58-59


Le cortège est grandiose.
Débauche de plumets, de bonnets d’ourson, de panaches multicolores. Scintillement de galons, de soutaches et de franges.
Passent 24 carrosses à six chevaux dans lesquels on devine encore de l’or, des plumes, des broderies d’argents, de la soie multicolore.
Le héros du jour, le petit roi est placé dans le carrosse à huit chevaux de l’impératrice, remis à neuf pour la circonstance.
Napoléon et Marie-Louise apparaissent dans le carrosse du Sacre.
L’élégance de l’Empereur n’est pas du meilleur goût. Il a remis sa toque de velours à plumes, habit et manteau de velours pourpre, culotte blanche et broderies d’or.
L’impératrice est habillée d’une robe blanche qui scintille de diamants. Il y en a partout où l’on a pu en mettre. Il y en a même un peu trop…



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Merci à Jiem.



Napoléon II.






Le 4 avril 1814, l'Empereur abdique en sa faveur mais Paris refuse et Napoléon est obligé d'abdiquer sans condition.
L'Aiglon est amené par sa mère à la cour d'Autriche, où on l'appelle désormais Franz (François).
Le 22 juin 1815, Napoléon abdique en sa faveur et le 23 la Chambre des Représentants reconnaît Napoléon II. Mais le retour des Bourbons annule cet acte.
Il est fait duc de Reischtadt en 1818.


L'espoir de régner (1830) - extraits de l'Aiglon d'André Castelot.


(p351) - La Grèce.

L’état-major avait cru pouvoir faire de lui (Prokesch) un officier de marine et l’avait envoyé bourlinguer durant six années dans les mers du Levant. Il séjourna ainsi longuement en Grèce. Ce pays venait de secouer le joug turc, aidé par la France, l’Angleterre et la Russie, il allait devenir un royaume et attendait un roi. Tout en parlant, Prokesch ne pouvait s’empêcher de regarder François. Le chevalier fixait ces yeux d’un bleu si profond, ces cheveux blonds et bouclés, ce beau front Habsbourg et cette jolie bouche charnue qui lui venait de sa mère. Seul le menton volontaire rappelait le Bonaparte de Brumaire. L’émotion serrait la gorge de Prokesch. « J’eus un pressentiment pareil à celui dont est saisi l’adolescent à qui il arrive de rencontrer pour la première fois la jeune fille à qui il donnera son cœur. »

(p353) - Puis-je régner?

Ai-je quelque valeur et suis-je capable d’un grand avenir, ou bien suis-je une non-valeur ? Qu’en sera-t-il du fils du grand Empereur ? L’Europe supportera-t-elle qu’il occupe une position indépendante quelconque ? Comment concilier mes devoirs de Français avec mes devoirs d’Autrichien ? Oui, si la France m’appelait, non pas la France de l’anarchie, mais celle qui a foi dans le principe impérial, j’accourrais, et si l’Europe essayait de me chasser du trône de mon père, je tirerais l’épée contre l’Europe entière. Mais y a-t-il aujourd’hui une France impériale ? Je l’ignore ! Quelques voix isolées, quelques voix sans influence ne peuvent être d’aucun poids. Des résolutions aussi graves méritent et exigent des bases plus solides. Si c’est ma destinée de ne jamais rentrer en France, je désire sérieusement devenir pour l’Autriche un autre prince Eugène. J’aime mon grand-père ; je sens que je suis un membre de sa famille, et pour l’Autriche je tirerais volontiers l’épée contre le monde entier, hors la France.

(p356) - La France et l'Autriche

Mon cœur est loin d’être ingrat envers l’Autriche, mais il me semble qu’une fois assis sur le trône de France, je pourrai prêter à mon pays adoptif un appui autrement efficace qu’en me bornant à marcher sur les traces du prince Eugène. Si je me suis prononcé pour ce dernier rôle, c’est afin qu’on m’ouvre la carrière des armes, la seule qui convienne au fils de Napoléon. Et si jamais je viens à acquérir la moindre gloire militaire, ce sera un pas de plus fait vers le trône. Je ne puis être un aventurier, ni ne veux devenir le jouet des partis. Il faut que la situation s’éclaircisse en France avant que je consente à y mettre le pied. Pour le moment, ma tâche consiste à me rendre capable de commander une armée. Je ne négligerai rien de ce qui peut conduire à ce but.

(p358-359) - Paris

Il pensait à Paris où tout annonçait la fin du régime…
(…)
Paris devenait houleux. Le 27, première des Trois Glorieuses, à chaque carrefour l’insurrection s’embusquait. La capitale ressemblait au pont d’un navire au moment du branle-bas.

Chez le général Gourgaud, compagnon de la Captivité, se groupaient d’anciens officiers de l’Empire. Le moment était-il venu ? L’armée de l’insurrection était-elle prête à se battre pour le fils de l’Empereur ? II semble que les combattants souhaitaient surtout se débarrasser de Charles x qui se cramponnait à Saint-Cloud. Le jour du 28 s’était levé sur un Paris décidé à aller jusqu’au. Partout s’élevaient des barricades ornées de drapeaux tricolores. Aux clameurs de Vive la Liberté et d’A bas les Bourbons ! s’étaient mêlés – mais plus timidement – quelques cris de Vive Napoléon II ! On chantait même sur une barricade :

Sans le faire oublier, le fils vaudra le père.

Pourquoi Gourgaud n’avait-il pas agi comme le général Dubourg – un inconnu – qui avait été porté ce matin-là à l’Hôtel de Ville par la foule, uniquement parce qu’il arborait un uniforme de général, et qui avait failli former un gouvernement ? Parmi les combattants, il y avait bien le fils de Las Cases, mais il était trop jeune, trop inconnu pour prendre la tête d’un mouvement… et les bonapartistes s’étaient laissé conduire par les événements.

Le 29, les troupes de Marmont, après avoir abandonné le Louvre, refluèrent en désordre à travers les Tuileries et gagnèrent Saint-Cloud. L’étoile du futur Louis-Philippe montait à l’horizon. Gourgaud essaya bien de réagir en assemblant quelques officiers, mais ce fut en vain et, le 31 juillet, premier pas de la future monarchie bourgeoise : Louis-Philippe, précédé d'un gavroche tapant sur un tambour à moitié crevé, quittait le Palais-Royal pour aller embrasser Lafayette à l’Hôtel de Ville. On connaît la scène : le duc d’Orléans voulut tout d’abord défendre Charles X puis, peu à peu, se laissa gagner. Ce fut enfin le tableau final : Lafayette et le futur roi s’embrassant sous les plis d’un drapeau tricolore. « Le baiser républicain » de Lafayette venait de faire un roi… et de faire perdre son trône au fils de Napoléon.

Hébétés, sans programme, sans chef, les partisans de Napoléon II ont laissé passer l’occasion. A leur excuse, ils ne connaissent du fils de Napoléon que le « visage éclatant de pâleur » décrit par Barthélemy. Ils ignorent l’intelligence exceptionnelle de l’ancien roi de Rome dont toutes les pensées sont tournées vers son père, ils ne savent pas que ce major autrichien à l’uniforme blanc, élevé à l’allemande, est un véritable « prince français » selon la recommandation de Napoléon sur son lit de mort, plus français peut-être que s’il était demeuré aux Tuileries. Il possède cette foi et cette flamme que seuls la prison et l’exil peuvent donner.

(p366) - La Belgique

Le cœur de François continuait à battre à grands coups dès qu’on lui parlait de Paris. Les Belges avaient secoué le joug hollandais et un gouvernement provisoire avait été constitué à Bruxelles. Ils allaient bientôt – le 10 novembre – ériger leur pays en royaume. Il y avait encore là un trône à prendre. Plusieurs villes belges souhaitaient voir revenir leur ancien maître. On parlait du duc de Reichstadt. « Cette idée, écrivait Dietrichstein à Marie-Louise, fait rire le prince, mais tout ce qui arrive, ce qu’on dit et ce qu’il remue dans sa tête échauffe naturellement son imagination. »

François, s’il voulait demeurer fidèle aux dernières pensées de son père, ne pouvait devenir roi des Belges. Le 9 novembre, Prokesch le trouva tenant entre ses mains le testament de Napoléon retranscrit dans le second volume d’Antommarchi. Il relisait le paragraphe dans lequel son père lui recommandait de ne jamais oublier qu’il était né « prince français ». Le chevalier l’entendit soupirer :
- Cette phrase contient la règle de conduite de toute ma vie.

(p371) - La Pologne

Le vent de liberté né à Paris soufflait à travers l’Europe.
Allait-il porter Napoléon II jusqu’à un trône ? En attendant de régner sur la France, le fils du grand Empereur accepterait-il de ceindre une autre couronne ? Après la Belgique érigée depuis le 10 novembre en royaume indépendant – et qui attendait toujours un souverain - la Pologne se soulève dans la nuit du 29 au 30 novembre et le général Chlopicki, ancien combattant de la Grande Armée, devient dictateur. Les troupes russes quittent le territoire, où l’on voit un officier français galoper à travers les rues de Varsovie en criant :
- Vive Napoléon, roi de Pologne !
François, cette fois, fut profondément ému. La révolution belge n’avait fait qu’exciter son imagination, l’insurrection de Varsovie le bouleversa.

(id) - la Corse

Avant d’aller embraser Parme, le vent de liberté soulève même la Corse qui « désire et proclame » Napoléon II, annonce Dietrichstein à Marie-Louise. Il ajoute, d’ailleurs, dédaigneux : « Ce serait un vilain royaume. »

(id) - "Rien!"

Le 26 décembre, dans le salon des Metternich, la comtesse Molly Zichy, qui considérait Reichstadt comme un bâtard, pousse de vrais cris à la seule pensée de voir le fils de l’Ogre corse prendre place sur le trône de Pologne. Metternich la calme d’un sourire et d’un haussement d’épaules en laissant tomber cette phrase de ses lèvres :
- Une fois pour toutes, exclu de tous les trônes.






L'aiglon est mort.



André Castelot - L'aiglon - Pages 249 - 250- 251 - 252 - Editions marabout Histoire - 1962 -


Après une longue et pénible agonie, le prisonnier de Schoenbrunn a enfin trouvé la liberté...

Le cercueil repose à la Neue-Markt, dans la petite église des Capucins.
Sur ce cercueil enveloppé de cuivre, se trouve une croix tréflée sur laquelle sont gravés ces mots en latin :
A la mémoire éternelle de Joseph-Charles-François, Duc de Reichstadt,
Fils de Napoléon Empereur des Français et de Marie-Louise Archiduchesse d'Autriche.
Né à Paris le 20 mars 1811.
Au berceau, salué du nom de Roi de Rome.
A la fleur de son âge, doué de toutes les qualités de l'esprit et du corps, d'une haute stature, d'un beau visage, d'une grâce singulière de parole.
Remarquable par ses travaux et son aptitude militaire.
Attaqué par la phtisie, la plus triste mort l'enleva dans le palais impérial de Schoenbrunn près de Vienne, le 22 juillet 1832.







Le retour en France



André Castelot - L'aiglon - Pages 249 - 250- 251 - 252 - Editions marabout Histoire - 1962 -



Cent ans, jour pour jour, après le retour de Sainte-Hélène, eut lieu le retour de Vienne.
C'était la nuit glacée du 14 au 15 décembre 1940.
Placé sur une prolonge d'artillerie allemande, le cercueil traverse Paris endormi - un Paris occupé, un Paris sans lumière - suit la Seine, les Tuileries où le petit roi était né, longe cette terrasse du bord de l'eau, où il s'était si souvent promené dans sa petite voiture que traînaient les moutons dressés par Franconi...
Il est près d'une heure du matin lorsque le cortège, précédé de motocyclistes, va s'immobiliser Place Vauban. La neige commence à tomber. Dans la vaste cour qui précède le dôme des Invalides, une double haie de gardes républicains portant des torches éclaire la scène. Devant la grille, les officiers échangent quelques paroles. Mais les soldats allemands n'iront pas plus avant. Vingt gardes républicains se saisissent du lourd cercueil et c'est sur des épaules françaises que les restes du fils de l'Empereur franchissent lentement la cour enneigée.
Une sonnerie de clairons se fait entendre. Puis les tambours battent "Aux Champs", comme autrefois...
Le corps du Duc de Reichstadt contourne maintenant la balustrade de marbre et est déposé devant l'autel, au-dessus du tombeau où, depuis un siècle, l'Empereur attend son fils. Un vaste drapeau tricolore enveloppe le cercueil. Les plis retombent en cascade, couvrant les marches violettes semées d'abeilles d'or. D'une torchère, s'échappent des volutes d'encens.
Les quelques assistants, peu nombreux, s'éloignent, la gorge serrée par l'émotion, laissant la petite ombre impériale entourée de dix gardes républicains sabre au clair, revêtus de cet uniforme qui rappelle celui porté jadis par les soldats de la Grande Armée...Dans la pénombre des chapelles latérales, Foch, Vauban, Turenne, veillent eux aussi, sur le colonel à l'uniforme blanc.
Le Roi de Rome, dans son long cercueil d'airain, près du rouge sarcophage de porphyre, allait désormais reposer sous le dôme étincelant d'or, "au bord de la Seine, au milieu de ce peuple français" qu'il aurait tant voulu connaître et aimer.
Le fils de l'Empereur est revenu près de son père. Les deux prisonniers sont désormais réunis...

Merci à Marlène.



Dommage toutefois que l'idée de réunir le père et le fils soit le fruit de collaborateurs, qui pensaient qu'en flattant l'égo des Français sur cette période ils arriveraient peut-être à lancer cette collaboration qu'ils souhaitaient tant.

Au final, les Français répondirent que les Allemands leur prenaient leur charbon pour leur rendre des cendres ...

Pour la légende et la postérité, quelle belle image que celle du père et du fils réunis dans le cadre prestigieux et chargé d'histoire des Invalides. Surtout, quand on voit la statue de Napoléon en empereur romain au dessus du tombeau de l'Aiglon ...

Thinap


Voyez un article de journal de 1940: lire l'article (Berlin, 16 décembre 1940).

L'Aiglon est mort

La crypte:

Aux Invalides:

Merci à Jiem.



© collection privée de La Bricole:



Masque mortuaire - Duc de Reichstadt sur son lit de mort



Sarcophage à Vienne



Aux Invalides







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