Chronologie: l'île d'Elbe, la politique. (février 1813)



2831.
SECTION de la guerre.
M. le Chevalier Allent, Rapporteur.
1.re Rédaction.
N.o d'enregistrement, 37,346.
RAPPORTS ET PROJETS DE DÉCRET


Relatifs à des Maisons qu'il s'agit de réunir aux Bâtiments et Terrains militaires de la place de Porto-Longone, et à d'autres qu'il est nécessaire de faire démolir ou réparer, par mesure de police.




RAPPORT DU MINISTRE DE LA GUERRE.

Du 24 février 1813.


Sire,

J'ai l'honneur d'exposer à votre Majesté que la place de Longone (île d'Elbe) a perdu une partie de sa population, depuis que plusieurs particuliers, retirés dans le royaume de Naples et ailleurs, ont absolument abandonné leurs maisons d'habitation ; de sorte que cette ville présente aujourd'hui, sur plusieurs points, des ruines et des débris de constructions qui peuvent causer des accidents, et qui sont d'ailleurs nuisibles à la salubrité publique.

Dans cet état de choses, la place de Longone pouvant être considérée comme un point uniquement militaire, M. le directeur des fortifications, sur la proposition de M. le commandant d'armes, m'a demandé,
1.o Quelles mesures il devait prendre pour faire désencombrer la place des matériaux qui l'obstruent, et pour faire démolir les restes de constructions dont la chute prochaine peut compromettre la sûreté des habitants ;
2.o Si le service militaire pouvait utiliser à son profit les maisons abandonnées dont il est possible encore de tirer parti.

S'il ne s'agissait que d'amas de matériaux à faire enlever, et de bâtisses en ruine à faire démolir, il est hors de doute qu'à l'instar de ce qui se pratique en matière de grande voirie, l'autorité militaire, en se concertant, suivant l'usage, avec l'autorité civile, aurait le droit de faire enlever, par mesure de police, tout ce qui peut causer des accidents ou qui forme encombrement sur la voie publique ; sauf à faire constater par procès-verbal, à dire d'experts nommés d'office, la valeur des matériaux et les frais de démolition et d'enlèvement, afin de tenir compte de l'excédant aux propriétaires du sol, ou de s'en faire rembourser par eux, selon le cas.

Mais j'ai considéré que les propositions des agents militaires avaient pour but aussi de réunir à la place d'armes le sol de quatre maisons dont l'abandon n'a pas été volontaire de la part des propriétaires, puisqu'ils ont été obligés de les évacuer, et qu'ils en ont perdu les fruits depuis le 12 janvier 1805, date d'un ordre du jour de la place qui interdit l'usage du feu dans ces maisons, comme étant trop voisines du magasin à poudre. Enfin on propose aussi d'occuper deux autres maisons, dont l'une serait réunie à l'hôpital de siége, et l'autre convertie en pavillon d'officiers.
Avant de soumettre cette affaire à la décision de votre Majesté, j'ai pensé qu'il convenait de prescrire une espèce d'enquête, afin de savoir d'abord par quels motifs les propriétaires des bâtisses abandonnées ont quitté leurs habitations ; si leur domicile actuel est connu ; s'ils continuent à exercer des actes de propriété dans l'île, ou si, eu égard à leur position politique, les bâtiments par eux abandonnés peuvent être considérés comme domaines nationaux ; ou, dans le cas contraire, s'il est possible de les faire sommer de démolir ou réparer leurs bâtisses dans un délai passé lequel il y serait procédé d'office à leurs frais.

Les avis et sommations qui ont été publiés itérativement depuis le 17 septembre dernier par l'autorité militaire, conjointement avec l'autorité civile, n'ont produit d'autres résultats que la promesse de réparer, faite par quelques propriétaires, ou des renseignements fournis par le vice-consul de sa Majesté le roi de Naples : ces renseignements font connaître que plusieurs propriétaires sont absents depuis longtemps, et qu'on ignore absolument le lieu de leur résidence actuelle ; que d'autres ont suivi l'armée napolitaine lors de la prise de possession de l'île d'Elbe, et qu'ils sont ou restés au service de l'ancienne cour de Naples en Sicile, ou passés à celui du roi Joachim ; que d'autres, encore bien qu'ils demeurent à Piombino où à Longone même, ne se sont pas présentés, parce qu'ils savent bien que les frais de démolition ou de reconstruction surpasseraient la valeur de leurs bâtisses dans l'état où elles se trouvent actuellement. Cette présomption paraît d'autant plus fondée, que le vice-consul, M. Perez, est aussi propriétaire d'une maison en ruine qu'il a déclaré être dans l'intention d'abandonner définitivement, par le motif très probable que les matériaux restant de cette maison ne valent que 30 F, tandis que les frais de déblaiement sont évalués à 100 F. Le calcul de M. le vice-consul, dans cette circonstance, me fournit l'occasion de remarquer qu'à la rigueur on pourrait sommer les propriétaires présents de faire eux-mêmes les démolitions que la sûreté publique exige, et qu'en cas de refus, on serait fondé, après avoir effectué ces démolitions, à les poursuivre pour recouvrer le montant des frais excédants ; mais comme le département de la guerre resterait en possession du sol, il s'ensuit que, par cette possession même, le Gouvernement serait garanti de ses avances, puisque la restitution du terrain ne pourrait être exigée qu'en payant les frais du déblaiement, distraction faite de la valeur des matériaux dont mon ministère aurait profité.

D'après cet exposé, et à raison de ce qu'il a été donné, dans un laps de temps assez long, aux avis et sommations des autorités civiles et militaires, toute la publicité requise pour mettre les propriétaires des bâtisses dont il s'agit en mesure de se présenter en personne ou par leurs fondés de pouvoir, afin de jouir de l'exercice de leurs droits et de supporter les charges qui y sont inhérentes, j'ai l'honneur de soumettre à l'adoption de votre Majesté les propositions ci-dessus mentionnées des agents militaires pour la démolition des maisons en ruine et la réparation de celles qu'il est utile d'occuper comme pavillon ou pour l'extension de l'hôpital ; moyennant les réserves et restrictions qu'il est juste de stipuler, selon l'état civil et politique des propriétaires dont l'abandon n'est point volontaire, et de ceux qui voudraient, s'ils y étaient fondés, rentrer en possession de leurs terrains bâtis ou non bâtis.
Mais comme la mesure porte toujours en elle-même le caractère d'une expropriation, elle ne peut avoir lieu qu'en vertu d'un décret impérial dont j'ai l'honneur de soumettre aussi le projet à votre Majesté, pour être renvoyé à l'examen du Conseil d'état.

Le Ministre de la guerre,
Duc DE FELTRE.


PROJET DE DÉCRET DU MINISTRE.


Napoléon, Empereur des Français, Roi d'Italie, Protecteur de la Confédération du Rhin, Médiateur de la Confédération suisse, etc. etc. etc.
Sur le rapport de notre ministre de la guerre ;

Vu le plan de la place de Longone, île d'Elbe ;

Considérant que par l'abandon absolu de plusieurs maisons particulières, dont les propriétaires résident hors du territoire de notre Empire, ou ne se sont pas présentés, malgré la sommation qui leur a été faite de démolir ou de réparer, cette ville présente des ruines et débris de constructions qu'on ne peut laisser subsister sans nuire essentiellement à la police, à la sûreté et à la salubrité publiques ;

Considérant aussi que, dans un laps de temps suffisant, il a été donné aux avis et sommations des autorités militaires toute la publicité requise pour mettre les propriétaires, absents ou présents, desdites bâtisses, en mesure de jouir de l'exercice de leurs droits, et de supporter les charges qui y sont inhérentes ;

Notre Conseil d'état entendu,

Nous avons décrété et décrétons ce qui suit :

Art. 1.er Notre ministre de la guerre est autorisé à faire prendre possession, au nom du département de la guerre, dans la place de Longone, du sol et des matériaux des maisons particulières cotées au plan n.os 1, 2, 4, 8, 10, 11, 12, 13, 14 et 15.
Il en sera de même pour chacune des parties des maisons cotées 5, 6 et 7, qui appartiennent ; savoir :
La première, aux sieurs Frosina et Todella ;
La seconde, aux sieurs Gianulla et Benditti ;
La troisième, au sieur Courtier, capitaine d'artillerie en résidence, lequel a déclaré renoncer à sa propriété.

2. Les dispositions de l'article précédent s'appliqueront aussi à la maison cotée n.o 3, dont les sieurs Gallo et Médina sont propriétaires, ainsi qu'à chacune des parties des maisons 5, 6 et 7, qui appartiennent aux sieurs Conca, Zito, Casciona et Tortoli, si, dans le délai de quarante jours, à compter de la notification du présent décret, et même dans un terme plus rapproché, en cas d'urgence, ces propriétaires n'ont pas fait commencer, suivant l'engagement qu'ils en ont pris par eux-mêmes ou par leurs fondés de pouvoirs, la réparation ou la démolition de leurs bâtisses.

3. La démolition des maisons et parties de maisons en ruine mentionnées à l'article 1.er, sera faite immédiatement par les soins et sous la surveillance de l'autorité militaire, qui demeure chargée aussi, le cas arrivant, d'effectuer, dans le délai prescrit, la destruction des autres bâtisses qui font l'objet de l'article 2.

4. Dans tous les cas, la mise en possession du département de la guerre (selon qu'elle devra, ou non, comprendre cumulativement celles des bâtisses de l'article 1.er qui sont cotées 1, 2, 4, 5, 6, 7, 8, 10 et 11, et la totalité de celles comprises à l'article 2), ne sera que provisoire à l'égard des emplacements de ces diverses bâtisses.

Cependant les particuliers qui voudraient rentrer en possession de ces emplacements, n'en pourront obtenir la restitution, ou le paiement du prix de leur valeur foncière, que dans le cas où la propriété n'en aurait pas été prescrite contre eux, et à charge aussi de justifier préalablement qu'ils ont conservé le libre et entier exercice de leurs droits civils et politiques ou qu'ils y ont été dûment réintégrés.

Ils seront tenus encore de rembourser, s'il y a lieu, l'excédant des frais de démolition et de déblaiement sur la valeur des matériaux, d'après l'estimation d'office qui en a été faite contradictoirement par procès-verbal du 23 novembre 1812.

5. Le sol des maisons cotées n.os 12, 13, 14 et 15, que les propriétaires ont été obligés d'évacuer pour la sûreté du magasin à poudre, devant faire partie intégrante de la place d'armes, ainsi que celui des autres bâtisses n.o 10 et 11 dont l'abandon a été volontaire, le sieur Béguinot, secrétaire de place, et les sieurs Devitte et Paolini, sont réservés à tous leurs droits pour l'obtention de l'indemnité qui pourra leur être due, d'après la valeur foncière dont leurs bâtisses étaient susceptibles à l'époque du 12 janvier 1805, date de l'ordre du jour qui a interdit l'usage du feu dans ces maisons, et eu égard à leur non-jouissance depuis cette même époque.
Cette indemnité sera réglée suivant les formalités prescrites par loi du 8 mars 1810 sur les expropriations.
Le sieur Marsiglia, qui possédait la maison n.o 13, sera admis à jouir des mêmes avantages que les propriétaires de celles cotées 12, 14 et 15, s'il satisfait, vu son absence du territoire de notre Empire, aux conditions prescrites par le 2.e paragraphe de l'article 4 ci-dessus.

6. La maison n.o 9 sera réunie à l'hôpital militaire de la place, sans préjudice aux droits que la confrérie de Saint-Joseph pourrait avoir conservés à la libre propriété de cette maison, dont l'estimation, si elle doit avoir lieu, ne devra comprendre que la valeur actuelle des matériaux et celle du fonds.

7. Le même mode d'estimation aura lieu dans le cas d'une réclamation fondée de la part du sieur Botano, pour la maison particulière cotée, sur la place de l'Horloge, qu'il a déjà en partie abandonnée, et qui devra être convertie en pavillon d'officiers, pour le service de la garnison.

8. Nos ministres de la guerre et des finances, et notre ministre de la police générale, s'il y a lieu, sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret.



3 - RAPPORT DE LA SECTION DE LA GUERRE.


La section de la guerre, qui s'était bornée à indiquer, dans un projet d'avis, les modifications dont le projet de son Excellence le ministre de la guerre lui avait paru susceptible, a pensé que le Conseil jugerait mieux des différences, s'il avait sous les yeux le projet médité et précédé d'un rapport.

L'article 1.er du projet de la section renferme les dispositions principales des articles 1, 3, 4, 5, 6 et 7 du projet de son Excellence, sur les maisons à réunir définitivement aux bâtiments et terrains militaires de Porto-Longone. La section n'a fait que les réunir et les abréger.

L'article 2 du projet de la section réunit les dispositions des art. 1, 2, 3 et 4 du projet de son Excellence, sur les maisons à réparer ou démolir par mesure de police.

Il faut distinguer, dans ces dispositions, l'exercice du droit de police, et les indemnités relatives soit à l'emploi des matériaux, soit à la jouissance provisoire des terrains abandonnés ou nécessaires au service.
Sur les indemnités, l'article 2 renvoie simplement à l'article 1.er
Sur l'exercice du droit de police, l'article 2 rappelle et applique le décret du 24 décembre 1811, qui n'a fait, sur ce point, que développer la loi du 10 juillet 1791 et l'ordonnance du 1.er mars 1768. Dans l'état de paix, la police intérieure des places de guerre appartient exclusivement à l'autorité civile. Dans l'état de guerre ordinaire, le magistrat conserve ses attributions, mais ne peut se refuser à rendre les ordonnances de police que le gouverneur juge nécessaires à la sûreté de la place. Les relations des deux autorités, dans ces deux cas, sont réglées par l'article 92 du décret du 24 décembre. Si l'ennemi s'approche à moins de trois journées de marche, ou si le ministre de la guerre est instruit qu'une expédition secrète ou maritime menace la forteresse d'un siége ou d'un blocus inopiné, la présence de l'ennemi ou l'ordre du ministre, conformément à l'article 95 du même décret, investit le gouverneur sur-le-champ,, et sans attendre l'état de siége, de l'autorité nécessaire pour faire démolir ce qui, dans la place, gêne la circulation de l'artillerie et des troupes. C'est une sorte de passage de l'état de guerre à l'état de siége, dans lequel, aux termes de l'article 101, l'autorité civile passe en entier dans les mains du gouverneur. L'article 2 du projet laisse à son Excellence le ministre de la guerre la faculté d'appliquer les articles 92 ou 95, suivant que la place sera dans l'une des deux situations auxquelles ils ont pour objet de pourvoir.


4 - PROJET DE DÉCRET DE LA SECTION.


Napoléon, Empereur des Français, Roi d'Italie, Protecteur de la Confédération du Rhin, Médiateur de la Confédération suisse, etc. etc. etc.

Sur le rapport de notre ministre de la guerre ;

Notre Conseil d'état entendu,

Nous avons décrété et décrétons ce qui suit :

Art. 1.er Les maisons cotées 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15 et, sur le plan annexé au présent décret, seront réunies définitivement aux bâtiments et terrains militaires de la place de Porto-Longone : savoir ; les maisons 9 et, pour agrandir un des pavillons et l'hôpital militaire, et les autres pour être démolies, à l'effet de dégager la place d'armes et les cavaliers voisins, et d'isoler les trois magasins à poudre.
Cette réunion aura lieu dans les formes prescrites par la loi du 8 mars 1810, sur les expropriations pour cause d'utilité publique.
L'indemnité des maisons 12, 13, 14 et 15, dans lesquelles l'usage du feu a été interdit, pour la sûreté des magasins à poudre, par un ordre du 12 janvier 1805, aura lieu d'après la valeur desdites maisons à cette époque, et comprendra les non-jouissances résultant dudit ordre.
Nos procureurs impériaux requerront l'application des lois et de nos décrets, à l'égard des propriétés délaissées et des propriétaires absents ou qui résident en pays étrangers.

2. Les maisons cotées 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7 et 8 au même plan, seront réparées ou démolies par les propriétaires, ou à leurs frais, de manière à ne point gêner la libre circulation de l'artillerie et des troupes.
Ces réparations ou démolitions seront faites, soit à la diligence de l'autorité civile et dans le délai fixé par elle, conformément à l'article 92 de notre décret du 24 décembre 1811 ; soit, en cas d'urgence, d'après les ordres de notre ministre de la guerre et par les soins du gouverneur ou commandant, conformément à l'article 95 du même décret.
Notre ministre de la guerre est autorisé à employer les matériaux et provisoirement les terrains abandonnés ou nécessaires au service, sauf restitution du sol, et sauf indemnité pour les matériaux et la jouissance, aux propriétaires qui justifieraient de leurs droits, compensation faite des frais de démolition et déblai à leur charge.
Ces indemnités seront réglées dans les formes prescrites par l'article 1.er

3. Notre grand-juge ministre de la justice et nos ministres de l'intérieur et de la guerre sont chargés de l'exécution du présent décret.

A PARIS, DE L'IMPRIMERIE IMPÉRIALE.
5 Avril 1813
1813/04/05 00:00:00



Source


Merci à Diana




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