Les acteurs: Desaix.


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Discours du Maréchal Berthier
prononcé à l'Hospice du mont Saint-Bernard, le 19 juin 1805




Un guerrier dort sous cette tombe, et c'est le héros dont il prononça le nom à son dernier soupir qui nous rassemble autour de son ombre pour lui fonder un monument.
Desaix a mérité par sa vie entière cet hommage d'un grand homme et de la patrie. Dans l'âge des plaisirs, il se formait déjà pour la gloire et s'occupait de toutes les sciences qui font l'homme d'Etat et le guerrier. L'Histoire en lui peignant les grands hommes, lui inspira la noble ardeur de les imiter, et accrut sa passion pour l'art de vaincre; les fatigues, toutes les privations supportées au milieu des Alpes endurcirent un tempérament qu'on avait jugé trop délicat pour le métier des armes.

Il avait vingt-trois ans, le grade de capitaine, et l'emploi d'aide de camp à l'armée du Rhin quand la guerre fut déclarée. Envoyé en reconnaissance, revenant à Landau, il découvre l'ennemi aux prises avec les Français ; il vole sans armes, se précipite dans la mêlée, a son cheval blessé, est fait prisonnier, se dégage, étonne ses chefs par ses traits de lumière, s'élance de nouveau et sort couvert de gloire, entouré des prisonniers qu'il a faits.
C'était tout à la fois son premier combat et le premier de la guerre. Les vieux militaires prédirent alors un soutien pour la patrie dans ce jeune guerrier qui se montrait audacieux avec réflexion et tour à tour impétueux et tranquille. L'éclat de cette action retentit dans l'armée, Beauharnais s'en fit redire les détails, l'appelle auprès de lui, le nomme successivement chef de bataillon, adjudant-général et commandant des brigades qui vont au secours de Mayence. C'est par les talents que cette opération le met à même de signaler qu'il est nommé général de division.

Desaix, à 25 ans, est à la tête d'un corps d'armée, dans ces temps d'orage où la gloire même est souvent un obstacle de plus à la victoire par l'ombrage qu'elle fait naître.
L'ennemi, à Schifferstat, profite de son absence pour surprendre une de ses divisions: en vain poursuit-il nos bataillons dispersés dans la plaine ; Desaix arrive ; on lui crie: Qu'ordonnez-vous ? La retraite de l'ennemi, répondit-il. A sa voix, les fuyards se rallient, l'action se rengage, Desaix donne à la fois l'ordre et l'exemple: déjà, dans l'ébranlement, dans le choc, il a saisi cet instant rapide qui décide la victoire: l'ennemi attaqué partout est partout vaincu.
Daneau ,Lauter, Wissembourg, Rastadt, Lauterbourg, Renchen, Malseck, Langenbruk et Kehl sont encore couverts de ses trophées.

La paix conclue, Desaix s'empresse de passer les monts pour aller connaître ce jeune héros qui venait de le commander: il en reçoit l'accueil le plus flatteur; il jure de ne plus se séparer de sa fortune, il va visiter ses champs de bataille, ses positions, ses campements ; il est sur le vaisseau qui le conduit en Egypte ; il combat à ses côtés à Chebreïsse, aux Pyramides, et quand Mourad-Bey avec ses dix mille mameluks a gagné la Haute -Egypte, Bonaparte envoie pour le combattre dix-huit cents hommes. Et Desaix.

L'histoire retracera cette campagne si féconde en prodiges ; elle peindra Desaix traversant des pays inondés ou des déserts arides; s'avançant environné, harcelé de tous côtés par l'ennemi, obligé d'interroger à chaque pas un mamelouk ou un Arabe pour en tirer ce qu'il veut dire et même ce qu'il veut taire; livré à la faim, à la soif, à toutes les privations ; campant sur les sables brûlants, gagnant chaque jour une victoire et donnant à chaque victoire, à l'ennemi vaincu, le bienfait d'une institution nouvelle; conquérant par la force et civilisant par la douceur, détruisant ou dispersant dix mille hommes de cavalerie avec dix-huit cents Français; triomphant enfin par la patience et la modération de la résistance que la barbarie, les préjugés, les moeurs et la religion apportaient à la civilisation de ces contrées.
Mais tandis que l'Orient prospérait par les Français, la France touchait à sa perte et Bonaparte était appelé pour la sauver. Desaix accourut au premier signal; il traverse les mers sur un parlementaire ; il est arrêté par des Anglais qui le maltraitent et par un Africain qui l'accueille en ami ; il s'irrite des retards qui peuvent l'empêcher de combattre; il arrive à Stradella le 22 prairiaux ; il reçoit à Marengo le commandement d'une division, et, frappé dans une charge qui décide de la victoire, il expire en prononçant les mots de "Bonaparte et de postérité ".

Sa mort est un jour de deuil pour la France ; elle sera pour ses amis l'objet éternel de leurs regrets. Le noble assemblage qu'on voyait en lui des vertus guerrières et des vertus privées, entraînait tous les cœurs. Cette âme inflexible et rigide pour le devoir, douce et compatissante pour le malheur, cet oubli de ses intérêts qu'il poussa au point de faire un emprunt pour l'existence de quelques jours; cette fierté qui lui fit toujours dédaigner la faveur ; cette égalité de moeurs qui ne changeait jamais, quand tout changeait dans sa fortune ; cette habitude de privations que nul ne porta peut-être aussi loin; ses connaissances étendues sur la plupart des sciences; cet amour de la patrie dont son âme était embrasée, lui formait un caractère qui faisait regarder sa société et son amitié comme le premier des biens.
Guerriers qui avez servi sous les drapeaux, et vous qu'il honora du nom d'amis, et vous qui recueillîtes son dernier soupir, jetez aujourd'hui des lauriers sur sa tombe et venez poser avec moi la première pierre d'un monument à ériger dans un lieu plein de souvenirs d'Annibal, de Charlemagne et de Bonaparte.

Et vous, vénérables solitaires, nous vous confions le dépôt de cette cendre et ces tables de bronze où sont gravés les traits de cette bataille qui a vu terminer ses jours.
Dites au voyageur, dites au guerrier qui, traversant ces monts, viendra présenter son épée sur le marbre de cette tombe: voilà l'homme que l'Orient salua du nom de Juste; sa patrie du nom de brave et son siècle du nom de sage, et que Napoléon a honoré d'un monument.




Tombeau du Général Desaix à l'hospice du grand Saint-Bernard




"A tant de vertu et d'héroïsme, je veux décerner un hommage tel qu'aucun homme ne l'aura reçu; le tombeau de Desaix aura les Alpes pour piédestal et pour gardiens les religieux du Saint-Bernard" (Bonaparte)

Le 19 juin 1805, en présence de Berthier et de Menou, après l'absoute, le corps du général Desaix est descendu dans une fosse creusée dans la chapelle. Le maréchal Berthier dépose sur la tombe une branche de laurier.
Quelques semaines plus tard le mausolée de Moitte, en marbre de carrare pesant douze tonnes, est hissé à grand peine au col du Saint-Bernard.



Cinquante terrassiers agrandissent le chemin alors que 7 chevaux tirent le lourd fardeau et que 20 hommes poussent la voiture !

Le bas relief représente Desaix tombé de son cheval, soutenu par Lebrun.




Mais c'est ici que le corps de Desaix repose anonymement, sous l'autel consacré à Sainte Faustine.




Pour la construction du tombeau, Napoléon offre une truelle d'argent et deux vases.





© Texte, mise en page et illustrations de BBea53.






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